Onomatopée utilisée pour évoquer le bruit émis par une personne en train de se noyer.
غغغ [ġġġ]
Classifications
Phonétique
[ɣ ɣ ɣ]
Comment citer cette fiche
MEDJBOUR, L. , (4 septembre 2025), "غغغ [ġġġ]", in OTPS, onomatopées traduction plurilingue surbmorphologie, CAER, Aix-Marseille Université : en ligne :https://otps.univ-amu.fr/onomatopees/%d8%ba%d8%ba%d8%ba-ggg/Rédaction
LOUNIS MEDJBOURAutres rédacteurs
- Modifié le : 04/09/2025 à 17:53
par : Sophie Saffi
Rédacteur/trice : LOUNIS MEDJBOUR
Variations de structures
Nous n’avons pas relevé de variations orthographiques.
Equivalents dans OTPS
Equivalents
Etymologie
Selon nos recherches, l’onomatopée [ġġġ] غغغ n’est pas répertoriée dans les dictionnaires de la langue arabe, et aucune explication n’est disponible à son sujet. Elle est utilisée pour évoquer le bruit émis par une personne en train de se noyer. L’origine exacte de cette onomatopée dans la langue arabe n’est pas clairement établie.
À l’heure actuelle, nos recherches indiquent que sa première apparition connue figure dans une bande dessinée de Walt Disney. Super Mickey سوبر ميكي, traduit en arabe (2002), revue édition n° 193. Maison d’édition : Nahḍat Miṣr (نهضة مصر) Caire, Egypte. (Édition originale publiée par Walt Disney Company). Disponible sur :https://books-library.website/free-362788805-download , p40, case 5.
Submorphologie
Même lorsqu’il s’agit de reproduire directement un son, cette reproduction s’effectue en utilisant les éléments phonologiques propres au locuteur, sachant que ces éléments peuvent différer d’une langue à l’autre. Les partisans de la motivation du signe ont souvent recours aux onomatopées et aux interjections, mais cela est parfois fait de manière simpliste, limitant ainsi les possibilités d’exploration des sons en cherchant des correspondances trop immédiates entre le son et sa signification. Dans un but opposé, Ferdinand de Saussure (1979 : 101) simplifie le problème en les excluant de la langue : « On pourrait s’appuyer sur les onomatopées pour dire que le choix du signifiant n’est pas toujours arbitraire. Mais elles ne sont jamais des éléments organiques d’un système linguistique ». Il conteste aussi leur symbolique puisque les onomatopées comme les interjections varient selon les langues. Le cas particulier des onomatopées illustre les paliers successifs qui mènent au langage. Roman Jakobson donne des exemples, dans des onomatopées d’enfants, d’emplois de sons qui ne sont pas encore acquis en tant que phonèmes. L’enfant utilise facilement divers sons pour imiter, il est à son aise lors d’une motivation directe, mais la difficulté de l’acquisition du langage réside dans la motivation indirecte, dans la mise en place du système organisé de la hiérarchie phonématique. Les onomatopées associent un objet à une unique syllabe répétée. Nous sommes à un stade primaire d’analyse. Cependant pour Roman Jakobson :
“C’est plutôt à la valeur expressive de l’exceptionnel qu’à l’imitation acoustique fidèle que serait dû l’emploi chez l’enfant de voyelles palatales arrondies dans ses mots onomatopéiques, alors que dans le reste du vocabulaire il continue à les remplacer par des voyelles non arrondies ou vélaires.” (Jakobson, 1969 : 29-30)
Selon Roman Jakobson, l’enfant emploierait des sons non inclus dans son système phonématique pour leur valeur exceptionnelle. Ce qui est déjà une forme de motivation. Pour Saffi, l’utilisation onomatopéique de certains sons ne semble pas due à leur exclusion du système phonématique car on utilise aussi des sons intégrés au système. Cette liberté d’emploi des sons est plutôt due à la motivation directe de l’imitation. Une imitation dépendante de la perception de la réalité, elle-même soumise à des schémas culturels. L’adulte est souvent impressionné par les performances d’imitation chez l’enfant, performances désormais hors de sa portée sauf si exceptionnellement il exerce la profession d’imitateur. La variation est en effet conventionnelle chez les adultes. Un mot qui imite le bruit d’un objet ne peut pas se démontrer puisque la réalité même de ce bruit diffère selon le filtre acoustique acquis propre à chaque langue. Chaque fois qu’un locuteur nomme un objet, il le définit avec les outils de sa langue et le classe ainsi dans une hiérarchie analytique du monde propre à sa culture. En apprenant sa langue, le locuteur a assimilé une convention d’analyse, des choix bien précis quant à la méthode d’observation et d’appréciation du monde qui l’entoure. Les onomatopées sont une étape : le locuteur pense imiter alors qu’il passe déjà par le crible phonématique de sa langue ; cependant, sa démarche analytique n’est pas encore celle du système abouti de sa langue, c’est une analyse saisie de manière anticipée car l’onomatopée est encore liée intimement à la réalité qu’elle décrit.
L’onomatopée [ġġġ] غغغ constitue une création sonore particulièrement évocatrice, utilisée pour imiter le bruit qu’émet une personne en train de s’étouffer ou de se noyer. Bien qu’elle ne soit pas répertoriée dans les dictionnaires arabes, elle possède une efficacité phonétique remarquable. Sa structure repose sur la répétition de la lettre غ (ghayn), correspondant au phonème [ɣ], une fricative uvulaire voisée. Ce son guttural, émis à l’arrière du palais, simule parfaitement un souffle bloqué ou un râle profond. La nature rauque et vibrante de cette consonne suggère une tentative désespérée de respiration, rendant l’onomatopée particulièrement expressive dans des contextes de détresse vitale.
Sur le plan articulatoire, la lettre غ [ġ] se réalise lorsque l’arrière de la langue se soulève vers la luette, formant un passage étroit par lequel l’air provoque un frottement en vibrant. C’est cette vibration gutturale, alliée à l’absence de voyelle, qui donne au son une texture étouffée, proche d’une vocalisation incomplète. [ġġġ] غغغ ne contient pas de voyelle audible. Cette omission renforce l’effet d’obstruction respiratoire et accentue la difficulté à produire un son clair, ce qui renvoie directement à l’état de suffocation.
La répétition du son [ɣ] sous la forme [ɣɣɣ] joue également un rôle essentiel dans la dynamique sonore de l’onomatopée. Chaque itération du phonème représente une tentative incomplète de respirer, créant un rythme haletant qui mime le combat d’un corps privé d’air. La régularité ou l’irrégularité de cette répétition peut aussi traduire différents degrés d’intensité ou de durée dans la sensation de noyade. Une forme étendue telle que [غغغغغ] [ġġġġġ] pourrait ainsi évoquer une agonie prolongée, tandis qu’une forme plus brève, comme [غغ] [ġġ], suggère une suffocation soudaine et courte.
Sur le plan référentiel, [ġġġ] غغغ s’associe principalement à des situations d’étouffement, de noyade, de suffocation, voire de vomissement ou de râle de douleur. Dans les bandes dessinées arabes ou les représentations audiovisuelles, cette onomatopée peut apparaître dans les scènes où un personnage est submergé, pris de panique ou en situation de détresse physique intense. Son effet repose moins sur la familiarité linguistique que sur sa capacité à impliquer corporellement l’auditeur ou le lecteur dans une sensation sonore de suffocation. Elle fonctionne donc comme un outil mimétique puissant, même sans reconnaissance lexicale officielle.
Pour en savoir plus
Commentaires et spécifités
Commentaires sur la Classification
Selon Galperin (1981), qui distingue entre les onomatopées directes et indirectes, la représentation du son utilisée pour étouffement ou noyade (évoquer le bruit émis par une personne en train de se noyer) en arabe se fait par des onomatopées directes. En appliquant la classification de Bredin (1996), qui divise les onomatopées en trois types (directes, associatives, et exemplaires), le son qui imite étouffement ou noyade (évoquer le bruit émis par une personne en train de se noyer) serait classé parmi les onomatopées directes.
Conformément à Attridge (1984), qui différencie les onomatopées lexicales des non-lexicales en fonction de leur intégration dans le lexique, j’ai choisi de considérer le son qui imite étouffement ou noyade (évoquer le bruit émis par une personne en train de se noyer) en arabe comme relevant des onomatopées non lexicalisées. Je reconnais que ce choix est discutable, prenant en compte l’hypothèse des cycles de fonctions lexème-onomatopée-lexème d’Anscombre (1985).
En suivant Laing (2014), qui fait une distinction entre les formes conventionnalisées (avec une structure fixe) et les formes expressives (plus flexibles dans leur illustration du son), j’ai conclu que l’onomatopées qui imite l’étouffement ou noyade (évoquer le bruit émis par une personne en train de se noyer) dont le niveau sonore est élevé sera non conventionnalisées en arabe, car elle n’a pas encore été fixée dans l’usage courant ou reconnue officiellement. Elle peut être inventée par l’auteur.
En suivant Meinard (2021), ce sont des onomatopées matricielles car elles sont spécifiquement conçues pour imiter un référent sonore. Du point de vue diachronique, selon Meinard, si la première occurrence de l’onomatopée est clairement identifiable comme un néologisme, il s’agit bien d’une onomatopée matricielle, pouvant ensuite se lexicaliser, ou pas. Je propose classification suivante : l’onomatopée [ġġġ] غغغ est clairement identifiable comme un néologisme et elle n’est pas répertoriée dans les dictionnaires, donc c’est une onomatopée matricielle non lexicalisée (OMNL). Dans son article de 2015, puis dans sa thèse (2021 : 333-337), Meinard argumente une répartition des onomatopées en deux catégories qu’elle dénomme echoic et imitative, en adoptant plusieurs approches. Du point de vue sémantique, les onomatopées imitatives représentent des cris d’animaux dotés de cordes vocales, les onomatopées écho représentent d’autres types de sons. Cette distinction était déjà proposée par Oswalt (1994), Rhodes (1994) et Körtvélyessy (2020). Il convient de préciser que pour Meinard, l’onomatopée n’est pas une imitation mais un reformatage, ce n’est pas l’onomatopée qui imite mais le locuteur (Meinard, 2021 : 318,319).
Dans une perspective sémiotique : la prononciation de l’onomatopée imitative est une reproduction directe du référent (un son émis par les cordes vocales humaines reproduisant un cri émis par les cordes vocales d’un animal), alors que la prononciation de l’onomatopée écho est une reproduction indirecte des bruits du monde, ce qui implique un effort plus poussé dans l’acte d’imitation (Assaneo, Nichols et Trevisan, 2011 : 4). Avec une onomatopée imitative, le locuteur expose le référent en l’imitant, au lieu de le désigner (Meinard, 2021 : 336). Avec une onomatopée écho, le locuteur désigne le référent. Dans une perspective phonétique, l’onomatopée [ġġġ] غغغ représentée selon l’alphabet phonètique international par [ɣ ɣ ɣ] ; présente une structure articulatoire particulièrement expressive pour évoquer la sensation d’étouffement, de suffocation ou de noyade. Elle repose sur la répétition d’un son guttural profond, qui mime de manière brute l’obstruction du passage de l’air, une tentative désespérée de respirer. Cette onomatopée repose sur la répétition de la consonne arabe غ (ġ), correspondant au son [ɣ] dans l’alphabet phonétique international (API). Il s’agit d’une consonne fricative voisée :
• Mode d’articulation : Fricative (le flux d’air est partiellement obstrué, produisant un frottement)
• Point d’articulation : Uvulaire (l’arrière de la langue se rapproche de la luette)
• Phonation : Voisée (les cordes vocales vibrent)
• Caractéristique expressive : Ce son est souvent perçu comme profond, rauque, guttural, et dans ce contexte, il peut suggérer une tentative de respiration entravée, typique d’un individu en train de se noyer.
D’un point de vue linguistique, la lettre غ possède aussi des caractéristiques graphiques et phonologiques précises qui renforcent son potentiel expressif. C’est une lettre lunaire, ce qui signifie qu’elle conserve la prononciation de l’article défini “al” (أل) lorsqu’elle est utilisée au début d’un mot, comme dans al-Ġuṣn (الغُصْن), signifiant la branche. Elle fait également partie des lettres pointées, identifiable par un point situé au-dessus de son cercle inférieur. Sa forme varie selon sa position dans le mot : isolée (غ), en début (غـ), au milieu (ـغـ) ou en fin de mot (ـغ). Ces caractéristiques facilitent sa reconnaissance et son emploi dans les textes, y compris dans les représentations graphiques d’onomatopées dans la bande dessinée arabe.
